Rumination 6

Le Big Bang, une théorie désespérante

La question de l'origine de l'univers a désormais une réponse officielle qui peut se formuler ainsi : Tout a commencé à l'instant zéro il y a environ 15 milliards d'années par une gigantesque explosion à partir d'un noyau extrêmement dense et chaud qui a donné naissance à toute la matière, toute l'énergie ainsi qu'à l'espace-temps. Depuis cet événement o combien "historique" l'univers est en expansion et en refroidissement progressif. C'est la théorie du Big Bang en vigueur depuis les années 1930.
Le Pape Pie XII, à l'époque, s'empressa de déclarer que la science retrouvait enfin le "Fiat lux" (Que la lumière soit!) de la Genèse et que le Big Bang démontrait l'existence de Dieu créateur de l'univers ! Ce brave homme ne manquait pas d'enthousiasme, mais la foi et la science sont des démarches bien différentes...
En tout cas, cette théorie explique un certain nombre d'observations, principalement la fuite des galaxies. On le sait depuis qu'on a observé le décalage vers le rouge (redshift) de leur lumière. C'est le principe du sifflet de la locomotive qui passe devant nous : la hauteur du son change selon qu'elle approche ou qu'elle s'éloigne de nous. Il en est de même pour la lumière des galaxies lointaines. Si on tourne le film à l'envers, elles doivent donc se rapprocher et se confondre en un seul point de densité infinie.
Cette théorie est actuellement celle qui fait autorité, mais elle est loin de répondre à toutes les questions. A la question "Qu'y avait-il avant l'explosion initiale ?" les astrophysiciens n'ont pas de réponse...Que diable peut-il bien se passer dans un point de dimension nulle, de densité infinie où le temps n'existe pas ? Ni la relativité générale, ni la théorie des quanta ne fonctionnent dans des cas aussi désespérés... La réponse la plus logique est qu'il n'y avait pas d'avant puisque le temps n'existait pas.

Mais le gros défaut du Big Bang, dans sa version de base, est de nous représenter un univers qui a commencé à un moment donné et qui poursuit son expansion jusqu'à son refroidissement total. Un univers avec un début et une fin inéluctable ! Certes, même en supposant que l'univers en est à la moitié de sa vie et qu'il a encore 15 milliards d'années devant lui, on peut se dire que notre prochain week-end à la campagne n'est pas compromis....mais le simple fait de savoir qu'on vit dans un univers fini a quelque chose de profondément dérangeant, voire désespérant.....

C'est pourquoi certains astrophysiciens ont proposé la thèse d'un univers "pulsant" : au bout d'un certain temps, l'expansion s'arrêterait et l'univers se contracterait (Big Crunch), puis ce serait un nouveau big bang....et ainsi de suite, éternellement. Le britannique Fred Hoyle a calculé un tel modèle d'univers dans lequel la période des oscillations serait de 82 milliards d'années. Cela résout certes la question de l'"avant-big bang" mais on voit mal comment l'expansion pourrait s'arrêter et faire place à une contraction, car entre les deux il y aurait nécessairement un temps d'arrêt, comme il y a un temps d'arrêt entre chacune de nos inspirations et expirations... Ce mouvement discontinu de "soufflet de forge" manque vraiment trop d'élégance pour être crédible. Quoi qu'il en soit, malgré ses limites, le Big Bang est, faute de mieux, une théorie qui explique un certain nombre de phénomènes de notre univers observable. Mais ce que nous observons n'est sans doute que la partie visible de l'iceberg. L'essentiel reste invisible et le Big Bang marque surtout l'horizon de nos connaissances actuelles ....

Intermède musical : le début de La Création, oratorio de Joseph Haydn (1732-1809). Le texte de cette oeuvre célèbre est tiré de la Genèse :
"Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre. Et la terre était informe et vide. Et l'obscurité régnait à la surface de l'abîme. Et l'esprit de Dieu planait au dessus de l'eau. Et Dieu dit : Que la lumière soit ! Et la lumière fut. Et Dieu vit la lumière, qui était bonne. Et dieu sépara la lumière de l'obscurité"


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