La reproduction électrique des cylindres

Depuis les origines, l'enregistrement du son a toujours été en avance sur sa reproduction. Les appareils d'époque ne restituent qu'une partie des fréquences enregistrées sur les cylindres (de 300 Hz à 3000 Hz avec les meilleurs appareils !) Les systèmes de reproduction acoustiques étaient si limités dans les registres graves et aigus qu'ils ne permettaient même pas de reproduire correctement les voix de femmes ! Et encore moins le son du piano ... Seule la lecture électrique nous permet d'entendre tout ce qui est gravé sur un cylindre et l'on est souvent surpris !
Tous les cylindres sont gravés en profondeur, verticalement , comme les disques à saphir. Nous utiliserons donc une cellule Shure SC35C en "polarisation" verticale.


Quel phonographe utiliser ?

Nous pouvons utiliser pour la lecture des vieux disques des platines modernes à moteur électrique, mais hélas, il n'existe aucune platine pour cylindres munie d'un moteur électrique. La première solution sera de construire entièrement un appareil destiné à cet usage: c'est faisable mais il s'agit de mécanique de précision et il faut une bonne compétence en la matière. Allez voir les réalisations de quelques amateurs particulièrement doués sur un site extraordinaire entièrement consacré aux "phonographes à cylindres modernes".Vous pourrez vous en inspirer si vous vous sentez capable de vous lancer dans un tel projet...
La seconde solution, celle que j'ai adoptée, consiste à utiliser des éléments mécaniques d'époque . C'est une solution moins satisfaisante pour le puriste, mais qui a le mérite d'être réalisable par un amateur moyennement habile , et pour un prix de revient très modeste. Tel est l'intérêt du "Fradetophone" (!) présenté ici ...
Un mécanisme sans ébénisterie se trouve encore assez facilement pour une somme modique et, moyennant bricolage, il pourra servir de base à notre lecteur électrique. Mais attention, il faut impérativement fixer son choix sur un modèle qui comporte une vis sans fin permettant au lecteur de suivre le sillon : ce qui exclut les Pathé O et à fortiori les phonos-lyre dont le mécanisme est de toute façon trop faible pour une utilisation sérieuse. Autre impératif : le mandrin doit être du type standard, ce qui permet la lecture des cylindres standards et inters (avec mandrin intermédiaire). Les Pathé de type Chanteclair ne passent que les gros cylindres et les Phénix ne passent que les cylindres Phénix (pratiquement introuvables et d'un diamètre très particulier) . Les Edison ne passent que les cylindres standards et ne permettent pas l'utilisation d'un mandrin intermédiaire. L'idéal est de trouver un Pathé N°1 (modèle assez courant) dont le mécanisme est assez robuste, qui possède une vis sans fin et qui passe les 2 diamètres de cylindres. Les cylindres Stentors ne pourront pas être lus, mais comme il y a peu de chance que vous en possédiez, j'ai fait l'impasse sur la question !


Entraînement mécanique ou électrique?

La solution de facilité est de conserver l'entraînement mécanique d'origine s'il fonctionne ...à condition qu'il ne soit pas trop bruyant. En effet la plupart des petits modèles font un bruit épouvantable qui est capté par la cellule et ...amplifié ! Ces bruits mécaniques s'étendent parfois sur la totalité des fréquences utiles et il sera donc impossible de les éliminer. Si le mécanisme d'origine ne fonctionne pas, tant mieux ! Enlevez le carrément (mais ne le jetez pas ! il y a peut-être des pièces à récupérer pour réparer un phono de collection) Ce sera l'occasion de partir sur de meilleures bases et d' adopter tout de suite un entraînement électrique silencieux...et beaucoup plus pratique. J'ai personnellement utilisé un moteur de Pick-up 78 tours des années 30 (on en trouve encore facilement sur les brocantes pour un prix modique) Ces moteurs sont très intéressants car ils sont puissants, assez silencieux et surtout, ils possèdent un régulateur centrifuge à boules qui permet de régler parfaitement la vitesse. On enlève l'axe destiné au plateau et on prend l'entraînement directement sur la vis sans fin (après y avoir soudé un manchon en laiton qui fera office de poulie) On fabrique alors une courroie en cuir pour relier la petite poulie du moteur à la grande poulie du mandrin porte-cylindre. On fait alors appel au système D pour bien fixer le moteur en prévoyant un peu de jeu pour régler la tension de la courroie. Il est recommandé d'enduire la face interne de la courroie d'un produit spécial qui évite les glissements et les pertes de puissance.
Un dernière chose : vérifiez que le mandrin porte cylindre est lourd afin de faire office de volant d'inertie qui absorbera les petites irrégularités de vitesse. Si ce n'est pas le cas, ouvrez -le (il est creux et le bouchon s'enlève facilement). Coulez un peu de plomb à l'intérieur de façon à obtenir une couronne épaisse et bien régulière, sans obturer l'axe central, bien entendu ! La masse de plomb doit être parfaitement équilibrée pour remplir son rôle de volant d'inertie.

Le Fradetophone

Comment adapter le dispositif de lecture électrique

bras de fradetohone

Les phonographes du genre Pathé N°1 sont munis du système "Vérité", c'est à dire que l'ensemble reproducteur + pavillon est flottant et se déplace tangentiellement au cylindre. Le reproducteur doit avoir du jeu vertical, du jeu latéral tout en gardant une assiette parfaite. Nous allons conserver cet excellent système "Vérité" et simplement substituer à l'ensemble pavillon + reproducteur un bras moderne muni d'une cellule magnétique. Et pour celà il nous faudra récupérer sur une platine moderne un bras complet avec son pivot et son contrepoids. Le problème sera de trouver un bras droit (pas un bras en S !) et de bricoler un peu pour le greffer sur l'antique phono à cylindres. La photo ci-dessous montre le système que j'ai utilisé, mais on peut certainement faire mieux. Le contrepoids permet d'ajuster la pression de la pointe selon le cylindre utilisé. En général 3 grammes suffisent amplement, sauf si le cylindre est un peu excentrique auquel cas on peut pousser jusqu'à 5 grammes pour éviter que la tête ne décolle à chaque tour.


Quel saphir utiliser ?

Les "saphirs" d'origine étaient généralement des petites billes de verre. Si vous en avez un d'origine, vous pouvez essayer de le coller à la place d'un saphir microsillon usé. Il vous faudra une loupe d'horloger, des pinces très fines, de la colle cyanolite ...et une patience d'ange. Mais c'est faisable ! Une cellule Shure munie d'un tel "saphir" donnera de bons résultats surtout avec les cylindres en cire brune. Dans les cas délicats où le cylindre serait fissuré ou crevassé, seul le "saphir" boule permet de sauter par dessus les obstacles et de poursuivre la continuité du sillon. Mais pour les cylindres noirs, dont la matière est beaucoup plus dure, la bille de verre est à proscrire absolument. Il est plus judicieux d'utiliser des pointes en diamant pratiquement inusables, qui par ailleurs restitueront plus de sons aigus. La maison anglaise Expert Stylus fournit des diamants coniques de 7/1000 èmes de pouce pour cellules Shure spécialement conçus pour la lecture des cylindres standards de 2 minutes.


Comment régler la vitesse

Généralement les cylindres tournent à 160 tours minutes. C'est le cas des cylindres noirs. Les cylindres bruns ne respectent pas toujours cette vitesse et il en est de nombreux qui tournent à des vitesses plus basses mais très variables. On n'a pas d'autre choix que de régler à l'oreille. A noter que les phonos mécaniques ont tous un réglage de vitesse, ce qui nous permet une bonne marge de manoeuvre. Pour résumer, nous allons fixer un stroboscope 160 tours à l'extrémité du mandrin et nous y conformer dans la plupart des cas. Si le son est invraisemblable à cette vitesse, nous réduisons jusqu'à ce qu'il semble normal. C'est très subjectif, certes, mais il n'y a pas d'autre solution...


Le branchement électrique

En plus de ce qui a été dit au sujet du cablage des cellules pour les disques à saphir, il faut particulièrement soigner le cablage entre la cellule et l'amplificateur, car le signal produit est de très bas niveau et très susceptible aux interférences. D'où l'importance du blindage. Certains cables "blindés" pour HI FI sont de vraies passoires et pratiquement inutilisables.Choisissez seulement un cable dont la tresse bien épaisse entoure entièrement le conducteur central. C'est la seule façon d'éviter les ronflements, bourdonnements, grésillements indésirables. Branchez les 2 fiches RCA à l'entrée "phono" de votre amplificateur, seule entrée possible avec ce type de reproducteur. Il faut toutefois savoir une chose importante : toutes les entrées "phono" de tous les amplis actuels comportent un préampli et un filtre dit RIAA (qui renforce les graves et affaiblit les aigus) destiné à corriger la courbe des fréquences gravées sur les disques microsillons. Or les phonogrammes anciens (disques ou cylindres) n'ont pas été gravés selon cette norme. Il faudrait donc utiliser un préampli spécial ou un égaliseur graphique pour annuler cette correction RIAA. Quoi qu'il en soit, dans le cas des cylindres, la lecture électrique va nous donner dans le grave un épouvantable bruit mécanique, et dans l'aigu un bruit de surface non moins épouvantable. Il faudra impérativement filtrer toutes les fréquences inutiles et ne garder que le signal utile. Sur un cylindre, il n'y a rien au dessous de 200 Hz et au dessus de 6000 Hz. On peut donc filtrer sans regrets. Il reste alors le médium dans toute sa clarté (relative) . Donc, à défaut de filtres et d'égaliseurs, mettez les graves et les aigus au minimum ! C'est mieux que rien et celà permet l'écoute relativement confortable de vos vieux cylindres.
Mais pour effectuer du transfert de bonne qualité, celà est très insuffisant, et là, sans traitement numérique, point de salut.... Ce sera l'objet du chapitre suivant.




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