La restauration des anciens documents sonores

La lecture électrique des disques et des cylindres nous permet déjà d'obtenir des résultats spectaculaires et il vient naturellement à l'idée qu'il serait très intéressant d'enregistrer le résultat sur C.D. ou sur bande. On peut certes enregistrer directement mais étant donné que nous disposons d'un ordinateur et qu'il existe des logiciels permettant d'améliorer la qualité sonore, on aurait bien tort de ne pas en profiter...La petite démonstration qui va suivre permettra de juger des améliorations obtenues.


En quoi consiste la restauration sonore

Comme pour la restauration des objets d'arts en général, il faut avoir le sens de la mesure. Faire juste ce qu'il faut pour redonner à l'objet son aspect d'origine, tout en lui gardant sa patine ancienne. Pour un 78 tours ou un cylindre, la restauration consistera donc à nettoyer le son original de tous les bruits parasites (clicks, pops, grésillements), éventuellement ajuster la courbe des fréquences de façon à rendre plus compréhensibles les paroles d'une chanson. Mais il ne faudra pas chercher à supprimer tout le bruit de fond car le caractère ancien de l'enregistrement serait perdu. Il serait également absurde (et pourtant çà c'est déjà fait sur certaines compilations commerciales) de rajouter de la réverbération et de la stéréo à des disques de 1910 !
Bref, nettoyer ce qu'on peut, sans rien retirer au son d'origine.


restauration rapide

Comment raccorder votre phonographe à votre ordinateur !

Si vous avez réussi à réunir une chaîne stéréo et un ordinateur dans le même lieu, vous pouvez vous lancer !
Munissez vous de 2 câbles audio stéréo ayant d'un côté des prises RCA (pour la connexion ampli) et de l'autre des mini-jacks (pour la connexion à l'ordinateur).
Raccordez la sortie ligne de votre ampli à l'entrée ligne de l'ordinateur. Ensuite, raccordez l'entrée ligne de votre ampli à la sortie ligne de l'ordinateur. Attention à ne pas faire l'inverse, car ça ne marchera pas ! Si vous avez effectué correctement les liaisons, vous pouvez alors enregistrer le son et le relire sur votre chaîne, comme on le faisait jadis avec un enregistreur à cassettes. Seulement votre ordinateur muni des logiciels idoines fera beaucoup plus de choses qu'un antique magnéto à cassettes.


Les logiciels de restauration audio

Il existe actuellement un grand nombre de logiciels permettant le traitement du son, comme il en existe pour le traitement des images. La plupart sont payants mais ils permettent de faire du très bon travail. Il y en a aussi un gratuit qui se nomme Audacity, doté de la plupart des fonctions qu'on trouve sur les "grands". Je le recommande vivement aux débutants avec toutefois une réserve sur le "réducteur de bruit continu" qui n'est vraiment pas à la hauteur et l'ergonomie de l'interface qui n'est pas géniale. Après s'être fait les dents avec un logiciel gratuit, on pourra décider si le plaisir de la restauration audio justifie le passage à des solutions plus onéreuses et plus performantes.
Le logiciel utilisé ici est Izotope RX 2 qui donne d'excellents résultats, avec une interface à la fois belle et conviviale.
J'ai choisi comme exemple le début de "La Violettera" par Emma Liebel sur un disque Pathé à saphir des années 1920. Un disque en état assez médiocre...Voici d'abord ce qu'on obtient directement avant tout traitement . On a autant de bruit que de musique : du rumble dans le grave, du bruit de surface, des clicks et des crépitements dans le médium-aigu, bref un très mauvais rapport signal/bruit.
Les étapes qui vont suivre doivent être impérativement effectuées dans l'ordre car le résultat final en dépend.

Etape 1 : Compensation de la courbe RIAA

Si votre platine est raccordée à l'entrée ligne de l' ampli en passant par un préampli linéaire non RIAA, ce qui est fortement recommandé, passez directement à l'étape suivante.....

Par contre, si votre tourne disques est simplement relié à l'entrée "phono" de votre ampli, le son subit une correction de fréquences selon une courbe dite RIAA et utile uniquement aux microsillons qui sont gravés à cette norme. Notre disque Pathé de 1920 (enregistrement acoustique) ne répond évidemment pas à cette norme, et il faut donc annuler la correction RIAA en appliquant une courbe inverse avec l'égaliseur graphique. On retrouve maintenant les aigus d'origine et une meilleure clarté. Par contre les bruits de fond sont encore plus accentués. Pas de panique ! ils seront d'autant mieux détectés par les algorithmes de filtrage que nous allons utiliser ensuite.

Etape 2 : Elimination des bruits impulsionnels

On appelle bruits impulsionnels tous les clicks, tocs, grésillements, crépitements etc. qui sont les bruits les plus désagréables des phonogrammes anciens. On peut les visualiser comme des pics d'amplitude très brefs que certains algorithmes complexes parviennent à distinguer du signal utile et à éliminer en grande partie. Le click est détecté automatiquement et remplacé par une partie du signal adjacent. Dans certains cas l'élimination est radicale et inaudible. Dans d'autres cas, il subsiste encore un léger bruit, mais infiniment plus faible qu'avant traitement. Le "De-clicker" d'Izotope RX 2 est particulièrement efficace et le résultat est assez spectaculaire.

Etape 3 : Réduction du bruit continu

Le bruit continu est le bruit de surface d'un disque (ou le souffle d'une bande magnétique). C'est un bruit composé d'une multitude de fréquences aléatoires et qui est présent du début jusqu'à la fin de l'enregistrement. Les logiciels d'édition sonore ont tous une fonction dite "noise reduction" qui permet de réduire considérablement ce bruit de fond. D'abord, on sélectionne une partie de l'enregistrement qui contient seulement ce bruit et pas de musique, en principe le début du disque. Le logiciel fait d'abord une analyse de ce bruit. Dans un second temps, il recherche et élimine dans l'ensemble de l'extrait tout ce qui ressemble à l'échantillon de bruit sélectionné. Là encore, il faut un peu de pratique, car si on veut réduire le bruit de 60 dB, on y arrive certes, mais la musique aura une sonorité étrange venue d'ailleurs ! Il vaut mieux se contenter d'une atténuation maximale de 10 dB, ce qui est déjà appréciable, et qui laissera intacte la musique. Et comme je l'ai dit, un léger bruit de surface résiduel sur un vieux disque est comme la patine d'un vieux meuble....

Etape 4 : Filtrage final

Notre disque Pathé à saphir ne contient pas de fréquences utiles au dessous de 150Hz ni au dessus de 4000 Hz. Alors pourquoi conserver les basses fréquences qui ne sont que des bruits mécaniques dus à la table de lecture ou au burin qui a servi jadis à l'enregistrement. De même pour les fréquences aiguës qui sont constituées seulement par du bruit de surface. On utilisera donc le filtre passe bande en lui disant de couper au dessous de 150 et au dessus de 4000 . Et voila le résultat. J'ai profité de cette étape de filtrage pour également renforcer un peu les fréquences autour de 3000 Hz afin de donner un peu plus de présence à la voix, mais c'est un choix personnel...et critiquable. Nous en resterons là, car à vouloir faire mieux, on fait souvent pire ! Nous pouvons maintenant écouter la Violettera dans des conditions que le disque original ne laissait pas espérer. Il reste encore un peu de bruit de fond, mais il en faut pour nous rappeler l'ancienneté de cet enregistrement...

Et enfin : ce qu'il ne faut pas faire !

Les logiciels d'édition sonore ont tous des fonctions de réverbération qu'il est bien tentant d'utiliser . Je n'ai donc pas résisté à la tentation et voici la version outrageusement réverbérée et stéréophonisée de La Violettera ! Simplement pour montrer ce qu'il ne faut pas faire sur un enregistrement ancien. Par contre rien ne vous empêche d'ajouter un peu de réverbération et de fausse stéréo à un vieux 45 tours de Mireille Mathieu qui vous semble un peu terne....mais je ne garantis pas que son interprétation en sera plus brillante !

Une démo spectaculaire avec un cas désespéré !

Cylindre Bettini 1900Il s'agit d'un vénérable cylindre Bettini de 1900 en cire brune en partie attaqué par la moisissure, mais qu'il fallait sauver à tout prix : Charme d'Amour, de Paul Delmet, chanté par Mlle Vivier... Voici, grâce à un petit montage en stéréo, un moyen de juger des améliorations : le canal de gauche (en haut) est le signal brut qu'on obtient directement à la sortie du phonographe électrique. Les nombreux clicks apparaissent nettement . Le graphique du bas (canal droit) montre le même signal nettoyé. En jouant avec la balance de votre système sonore, vous pouvez commuter rapidement entre les deux canaux pour juger de la différence qui est assez spectaculaire, même si on ne peut pas vraiment crier au miracle !

haut : signal brut // bas : signal traitéAvant et après !



J'ai utilisé Cool Edit pour la représentation graphique du son, mais le travail de restauration a été effectué avec DC ART 32. Les clicks ont été éliminés un par un en les zoomant, en les sélectionnant individuellement et en utilisant la fonction "interpolation" qui remplace le parasite par une partie du signal adjacent. Ce procédé manuel ne fait donc pas de "trous" mais c'est très long, délicat.... et fastidieux. En tout cas, c'est la seule méthode qui marche dans des cas aussi désespérés, que le "declicker" automatique est incapable de traiter convenablement ...

Et voici maintenant toute la chanson restaurée (MP3 942 Ko) Charme d'amour, un des plus grands tubes de Paul Delmet (1862-1904) sur un remarquable poème post-symboliste de Maurice Bouquay. Voir texte ci-joint.





Dernière mise à jour le
Copyright Jean-Luc Fradet 1998 - 2011