LA MUSIQUE CLASSIQUE DU XX ème SIECLE

A la recherche de la modernité...


Voici un "hors-sujet" qui ne l'est pas vraiment ! Il est même au coeur du sujet, car sans les merveilleuses inventions auxquelles le Musée virtuel rend humblement hommage, la musique dite "classique" aurait continué à être réservée à une petite élite d'initiés.
Il est vrai que le phonographe et la radio, ont dès l'origine servi principalement l'infra-musique de grande consommation : ne tirons donc pas sur les comiques troupiers de 1900 ni sur les actuels rappers... Les temps changent ainsi que les modes, et ce qui est périssable passera directement aux oubliettes de l'histoire, ne méritant même pas la moindre polémique !
Mais d'autre part, les plus grands chefs d'oeuvre de la Musique classique sont devenus accessibles à tous. La musique "classique", c'est tout simplement celle qui se situe au-delà des modes, qu'elle ait été écrite en 1700 ou en 1970...une musique intemporelle qu'on écoutera encore dans 100 ans, dans 1000 ans et qui jamais ne sera démodée. On l'appelle souvent "musique sérieuse" pour l'opposer à la musique populaire ! Et pourtant J.S. Bach, compositeur sérieux s'il en fût, est certainement beaucoup plus populaire de nos jours qu'il ne l'a jamais été de son vivant ! Ceci, afin de montrer le caractère dérisoire des étiquettes et des adjectifs. Il n'y a finalement que deux sortes de musique : celle qui se consomme le temps d'une mode et celle qui survit à toutes les modes.
Inutile de faire ici la promotion des Bach, Mozart, Beethoven, Chopin, Schubert, Mahler que le disque et la radio nous ont rendu familiers, ce qui est déjà fort heureux !
Il faut par contre constater que les révolutions et le foisonnement musical du XXème siècle ont dérouté nombre de mélomanes dont les goûts musicaux ne dépassent pas la fin du XIX ème siècle et butent généralement sur le Tristan de Wagner (trop moderne !) Les compositeurs du XX ème siècle sont encore loin d'être populaires... On prétexte souvent de l'hermétisme de leur musique, de l'absence de mélodie... Et pourtant, que de chefs d'oeuvre depuis Arnold Schoenberg jusqu'à John Adams en passant par Ligeti et Steve Reich. Que de mélodie subtile dans la suite lyrique d'Alban Berg ! Que de rigueur et de limpidité dans les compositions "minimalistes" de Steve Reich !
Allons, un petit effort ! La musique de notre temps est faite pour être écoutée maintenant ! L'oreille et la sensibilité s'adaptent rapidement à cette prétendue difficulté. C'est pourquoi j'ai sélectionné 14 oeuvres essentielles et incontournables de la musique du XX ème siècle qui me semblent correspondre à une certaine idée de la modernité. Ce ne sont que des "coups de coeur" pour utiliser une expression à la mode, des choix subjectifs et critiquables correspondant à l'humeur de maintenant, des oeuvres qui chatouillent agréablement mes grandes oreilles....mais je suis prêt à parier sur leur pérennité. Je précise être très ignorant des choses du solfège et de la théorie musicale : ceci pour dire que ces oeuvres sont abordables par tous ceux qui ont des oreilles pour entendre !

Cliquez sur les images des disques ci-dessous pour écouter un bref aperçu de l'oeuvre

La Mer Claude Debussy (1862-1918) La Mer (1905)
Orchestre national de l'ORTF, dir : Charles Münch

J'aurais tout aussi bien pû commencer cette quête de la "modernité" avec Pélléas et Mélisande (1902). Mais cette partition sublime relève autant de la littérature que de la musique et en détacher un extraît de 3 minutes eût été un non-sens. Il y a en effet beaucoup à dire sur ce premier opéra moderne, où les personnages se parlent sans se comprendre. Le drame se déroule dans le non-dit, dans les propos les plus anodins terriblement chargés de symboles qu'amplifie et commente la musique...
C'est pourquoi j'ai choisi  La Mer comme première oeuvre capitale de la musique du XX ème siècle. Rompant avec les schémas du XIX ème siècle, cette musique inouïe et dévastatrice fut copieusement huée lors de sa création. Trente ans plus tard, on reconnut que c'était un chef d'oeuvre !
Ecoutez ce finale et laissez-vous emporter par le vent du large

Le Sacre du Printemps Igor Stravinski (1882-1971) Le Sacre du Printemps(1913)
Orchestre de Cleveland, dir : Pierre Boulez

 Le Sacre du Printemps écrit pour les Ballets Russes fit aussi scandale lors de sa première représentation ! La chorégraphie y contribua aussi largement...Stravinski allait beaucoup plus loin que Debussy dans l'étrangeté, la stridence et la violence rythmique. Cette évocation de la Russie païenne est une musique qui a gardé toute sa force explosive.

Pierrrot lunaire Arnold Schoenberg (1874-1951) Pierrot lunaire (1912)
Contemporary Chamber Ensemble, dir Arthur Weisberg
Voix : Jan de Gaetani

Les premières oeuvres de Schoenberg, inventeur de la musique "dodécaphonique" et fondateur de l'"Ecole de Vienne" sont très marquées par Richard Wagner. Pierrot lunaire, 21 poèmes morbides et décadents d'Albert Giraud, pour voix parlée et 8 instruments est son oeuvre la plus célèbre. Ce ne sont plus des lieder, puisque la chanteuse ne chante pas (ce sont les instruments qui chantent) Elle ne déclame pas non plus : c'est un compromis entre le chant et la parole, que Schoenberg nomma "Sprechgesang". Ce procédé nouveau pour l'époque suscita de nombreux commentaires et interrogations. On a depuis beaucoup usé (voire abusé) du "parlé-chanté" et on perçoit maintenant le Pierrot lunaire comme une oeuvre délicieusement kitsch.

Suite lyrique Alban Berg 1885-1935 Suite lyrique (1926)
pour quatuor à cordes
The Duke's Quartet

La Suite lyrique d'Alban Berg est l' un des plus sublimes chefs d'oeuvre de la musique sérielle ou "dodécaphonique". Cette technique révolutionnaire consistait à utiliser une gamme chromatique de 12 sons sans note dominante, rompant ainsi avec des siècles de gammes diatoniques à 8 notes majeures ou mineures. On a reproché à cette musique d'être dépourvue de mélodie et pourtant ici, l'adjectif lyrique n'est pas usurpé. Les cordes chantent, mais comme dans une langue musicale étrangère... Elle ne se révélera peut-être pas à la première audition, mais c'est une des oeuvres les plus sensuelles jamais écrites.

Cinq pièces pour orchestre Anton Webern (1883-1945) Cinq pièces pour orchestre, op 10 (1913)
Staatskapelle Dresden
dir : Sinopoli

Anton Webern, autre disciple de Schoenberg est certainement le musicien qui a poussé l'expérience dodécaphonique jusqu'à ses ultimes limites, étendant les principes de la "série" au timbres mêmes. La "mélodie de timbres" devient dans ces cinq pièces pour orchestre un élément constant du langage, avec une extraordinaire minutie, sept instruments différents pour émettre les sept notes avec les alternances les plus étudiées des couleurs chaudes (trompette bouchée) et de couleurs froides (célesta). On imagine qu'avec une telle musique, Webern ne connut jamais le succès de son vivant.
Comme tous les artistes en avance sur leur temps, Il n'eut droit qu' à une gloire posthume mais il exerça une profonde influence sur toute la musique de notre siècle.

Musique pour cordes, percussion et célesta Béla Bartók
1881-1945
Musique pour cordes, percussion et célesta (1937)
BBC Symphony orchestra
dir : Pierre Boulez

Bartok est sans conteste le plus grand musicien hongrois de ce siècle. Sa musique, généralement tonale, fut assez peu influencée par l'école de Vienne. Ses grandes influences sont essentiellement la musique folklorique hongroise, dont il a su extraire la quintessence au point de la transfigurer en folklore imaginaire fondu dans la musique la plus complexe. Cette "Musique pour cordes..." marque le sommet de l'art de Bartok avec cette rythmique irrésistible du dernier mouvement et l'intégration complète de la percussion qui ne se contente plus de son rôle traditionnel de ponctuation... même le piano est utilisé ici comme instrument à percussion. Une oeuvre admirable et très abordable.

Sinfonia Luciano Berio
né en 1925
Sinfonia (1968)
Royal Concertgebouw
dir : Riccardo Chailly

Luciano Berio est l'un des plus grands compositeurs de ce siècle et la "Sinfonia" de 1968 est son oeuvre la plus connue pour ne pas dire la plus accessible. Pas à proprement parler une symphonie, mais plutôt "un vaste fleuve sonore dont les multiples éléments musicaux et linguistiques nous emportent irrésistiblement", selon les termes mêmes du compositeur...
L'extraordinaire 3 ème mouvement , dans lequel tout le Scherzo de la 2 ème symphonie de Mahler sert de réceptacle à de nombreuses citations musicales et littéraires est une sorte de "remix" surréaliste et cependant écrit avec une rigueur absolue. A l'écoute de cette musique à la fois nostalgique et violente, parcourue d'explosions sonores, "l'expérience de ne pas être tout à fait sûr de ce qu'on entend doit être considérée comme inséparable de l'oeuvre"

Polytope Iannis Xenakis
(1922 -2001)
Polytope (1968)
Ensemble Ars Nova
dir : Marius Constant

Yannis Xenakis, mathématicien, architecte et compositeur d'origine grecque mais ayant vécu en France a beaucoup marqué l'avant garde contemporaine. On trouve hélas très peu de ses oeuvres chez les disquaires, ce qui est bien injuste. L'extrait de Polytope (seule oeuvre qui connut un certain succès populaire grâce au Pop Club de José Artur) provient d'un 45 tours d'époque... Sa théorie de la composition musicale assistée par ordinateurs a provoqué en 1956 remous, sarcasmes et inquiétudes. On en est revenu depuis ! En fait Xenakis utilisait un antique 7090 IBM pour se libérer de calculs fastidieux dans une composition très complexe conçue par un cerveau humain. La complexité certaine de ses oeuvres ne nuit pas à leur lisibilité et au plaisir qu'on peut prendre à leur violence et leur étrangeté !

Atmosphères György Ligeti
né en 1923
Atmosphères (1968)
Orch du Sudwestfunk
dir : Ernest Bour

György Ligeti, compositeur hongrois émigré, peut sembler assez proche de Xenakis, bien que sa musique nous apparaisse moins âpre et plus sereine. Ligeti est avant tout un grand maître de la "couleur sonore". Atmosphères est une musique non-événementielle, une texture sonore suggérant l'éternité et le voyage vers l'infini. C'est Stanley Kubrick qui l'a révélé et rendu un tant soit peu "populaire" ...Le réalisateur du célèbre "2001, l'Odyssée de l'Espace" ne pouvait pas faire un meilleur choix, tant et si bien qu'il est désormais impossible d'écouter cette musique sans voir défiler les galaxies et autres étrangetés cosmiques que contemple l'astronaute Bowman lors de sa chute vertigineuse à travers l'espace-temps...

In C (version vinyle) Terry Riley
né en 1935
In C (1964)
Membres du Center of
the Creative & Performing Arts

Schoenberg l'avait dit : "Il reste encore beaucoup de bonnes musiques à écrire en do majeur". Mais l'inventeur de la musique dodécaphonique n'avait sans doute pas pensé que cette boutade prendrait dans les années 60 des allures prophétiques. Car c'est justement avec le "En do" (In C) de Terry Riley qu'une nouvelle esthétique musicale prend son envol en 1964, aussi déterminante pour la fin de ce siècle que l'avait été l'atonalité pour son début.
In C est une oeuvre délibérément provocatrice basée sur la seule tonalité de do majeur et sur le principe de la répétition poussée à l'extrême. Les affinités de Terry Riley avec la Pop Music font qu'on hésite à l'inclure parmi les musiciens "classiques". Toujours est-il que son influence fut déterminante sur Steve Reich, Philip Glass et autres musiciens considérés comme "sérieux" si tant est que ces adjectifs aient un sens dans le domaine de l'art !

Quatuor N°2 Philip Glass
né en 1937
Quatuor à cordes N°2 (1983)
Kronos Quartet

Philip Glass est, avec Terry Riley et Steve Reich à l'origine d'un mouvement musical d'une importance au moins égale à celle de l'Ecole de Vienne : c'est ce qu'on a appelé le minimalisme ou la musique répétitive (bien que ces termes soient très contestables). Il s'agit en tout cas d'une rupture avec les abus du post-sérialisme qui était devenu une musique accessible aux seuls compositeurs ! Le minimalisme est donc un retour à la musique tonale la plus consonante et à la mélodie la plus évidente. La répétition de cellules mélodiques crée un état d'envoûtement chez l'auditeur, bien que cette répétition ne soit qu'apparente : il y a en fait de subtils glissements d'une mélodie à l'autre. Les Quatuors à cordes de Philip Glass sont à mettre à part dans son abondante production. Ici, le procédé minimaliste est à peine perceptible et on y rejoint le plus pur romantisme de Beethoven ou de Schubert...

Music for 18 Musicians Steve Reich
né en 1936
Music for 18 Musicians (1974)
Steve Reich and Musicians

Steve Reich est certainement le musicien le plus doué de sa génération et jouit aux Etats Unis d'une popularité méritée. Depuis ses premiers essais ultra-minimalistes pour bandes magnétiques déphasées jusqu'à ses grandes oeuvres comme Desert Music, Different Trains, Tehilim, il n'a cessé d'évoluer du purement expérimental vers une musique qui s'impose d'elle même au delà de toute théorie. La répétition n'est plus une technique de composition mais l'essence même d'une oeuvre qui s'explique d'elle même et devient évidente. Music for 18 musicians, qui dure près d'une heure sur une pulsation continue et sans la moindre pause, est d'une limpidité et d'une cohérence rigoureuses. Peut on encore parler de musique répétitive ? C'est une trame sonore en perpétuel mouvement qu'on écoute avec une fascination toujours renouvelée. Outre le prodigieux exercice de virtuosité des musiciens, c'est un des grands chefs d'oeuvre du genre....

Symphonie N°3 Henryk Górezki
né en 1933
Symphonie
N°3 (1976)

London Sinfonietta
dir : David Zinman
Dawn Upshaw, soprano

Henryk Gorezki, compositeur polonais, est surtout connu pour sa Troisième symphonie, qui a bénéficié d'une grande diffusion. On chercherait en vain à le rattacher à une quelconque "école" ou courant musical . Gorezki puise surtout son inspiration dans la musique religieuse, d'où une austérité certaine de son oeuvre.
Cette troisième symphonie est une oeuvre singulière dans la mesure où elle aurait pu être écrite au XIX è siècle. Rien d'avant-garde dans cette partition qui se révèle dès la première audition. Une lenteur envoûtante évoquant l'éternité caractérise ces trois mouvements qu' éclairent les interventions de la sublime soprano Dawn Upshaw. Et c'est sans doute le caractère "planant " de cette musique qui, dans les années 70 a été à l'origine de son succès. Quoi qu'il en soit, c'est un chef d'oeuvre incontournable !

Concerto pour violon John Adams
né en 1947
Concerto pour violon (1993)
London Symphony Orchestra
dir : Kent Nagano
Gidon Kremer, violon

John Adams appartient à la seconde génération des minimalistes. Si ses premières oeuvres (Shaker loops) sont assez proches de Philip Glass et de Steve Reich, il a très vite évolué vers des formes hybrides beaucoup plus ambigües, où la répétition n'est plus l'essentiel du langage musical. Il est convenu de classer ce musicien dans le courant "post-minimaliste" si tant est qu'un musicien aussi anticonformiste puisse faire partie d'un courant ! Toujours est-il que John Adams est reconnu comme l'un des plus grands musiciens contemporains. On lui doit le dernier opéra classique de notre siècle avec Nixon in China, dont le livret est basé sur un événement contemporain : la visite de Nixon en Chine en 1972.
Le concerto pour violon est une oeuvre où tous les courants musicaux semblent se rejoindre et fusionner. Le sérialisme se joint au minimalisme avec des réminiscences du romantisme. Le violon domine l'orchestre du début à la fin, s'accordant à peine quelques respirations. Une pulsation rythmique constante le soutient dans ce vertige de virtuosité qui emporte irrésistiblement l'auditeur.
Ici, le début du siècle rejoint la fin du siècle. Tous les courants musicaux de notre époque viennent enfin s'y réconcilier.


Opus100Un scoop de dernière minute ! Avant le XXème siècle, il y avait déjà de la musique ! Pour en être convaincus, visitez l'excellent site de Pierre Cadillon consacré aux musiques qui ont précédé : 250 coups de coeur puisés dans les musiques baroque, classique et romantique....

Euh...j'allais oublier l'incontournable site deFrance Musiques la seule station diffusant essentiellement de la musique classique




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Dernière mise à jour 22 novembre 2010
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